Nelly Desmarais
Lauréate du prix Émile-Nelligan
Nelly Desmarais,
Marche à voix basse,
Le Quartanier
2022
© Photo | Robert Etcheverry
Née en 1986, Nelly Desmarais est originaire de Richelieu, en Montérégie. Elle a étudié la littérature à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université McGill. Elle travaille dans le milieu de l’édition depuis 2011. Marche à voix basse est son premier livre.
Commentaire du jury, par Nicole Brossard, présidente
Dans un premier recueil tout en sobriété qui se donne à lire par sections et fragments, Nelly Desmarais propose une écriture aux vers minutieusement travaillés et à la prose concise. L’ensemble présente une forte unité.
Depuis l’enfance, celle qui parle au je observe en silence les formes de la pauvreté ambiante, que ce soit dans les comportements de l’entourage immédiat ou dans les rues de la ville. Arrivée à Hochelaga, elle enrichit son expérience au contact des autres femmes qu’elle remarque ou dont elle se souvient. Forte du mot d’ordre de Lisette, sa gardienne orpheline : « ne perds jamais ton cœur d’enfant » (p.45), elle poursuit sa quête d’une véritable poésie du quotidien. Et la marche à voix basse s’ouvre aux nombreuses victimes, ouvrières, filles de la rue, qui meurent parfois d’overdose, terrées dans un appartement ou fragilisées dans la rue. La parole s’offre ici comme « déposition » des traumatismes subis, des silences contraints par la violence, des tragédies de l’histoire, tel l’incendie qui a ravagé le cinéma Laurier Palace où 78 enfants ont péri le 9 janvier 1927. Nelly Desmarais rend hommage aux victimes d’agressions sexuelles qui, comme elle, ont été humiliées : « la nuit les cris n’ont pas de fin » (129). Déambulant parmi ces femmes, elle fait résonner sa voix limpide dans « Les bas quartiers ».
Finalistes du prix Émile Nelligan
Frédéric Dumont,
Chambre minimum,
Les Herbes rouges,
2022
© Photo | Robert Etcheverry
Andréane Frenette-Vallières,
Tu choisiras les montagnes,
Le Noroît
2022
© Photo | Robert Etcheverry
Né à Montréal, Frédéric Dumont publie depuis 2009 une poésie étonnante qui saisit le quotidien et le retourne pour en faire tomber la menue monnaie. Il a reçu le prix Félix-Antoine-Savard (2016) en plus d’être finaliste au prix Émile-Nelligan (2019) ainsi qu’aux Prix littéraires du Gouverneur général (2022).
Commentaire du jury
Lire un livre, marcher dans la rue : quelle différence ? Dans Chambre minimum, Frédéric Dumont questionne la force de frappe du langage sur le réel, « trouve une question et meurt dedans ». Son poème s’enroule au flot de sa pensée et touche, dans les plus quotidiennes anecdotes, le centre fragile d’une « très belle angoisse ».
L’angoisse, c’est un enfant qui porte « des yeux d’adultes », avec un métier et une maison dedans. C’est l’absence d’argent, les rapports de classe, l’individualisme, la méfiance envers l’autre intensifiée par la crise sanitaire et ce qu’il reste d’appui aux mots dans ce monde-là. Lucide, presque transparent, le poète se demande si le capitalisme occupe la parole : « je vends ou je dis ? »
Malgré tout, Chambre minimum est un recueil où la lumière réussit à percer le cynisme. Frédéric Dumont nous rappelle que la poésie est une fabuleuse de la clown triste capable d’aimer, que parfois un simple regard vers l’autre nous « installe dans le mot ».
Andréane Frenette-Vallières est poète et essayiste. Ses livres, Tu choisiras les montagnes, Sestrales et Juillet, le Nord, sont publiés au Noroît et constituent un cycle d’écriture marqué par une démarche féministe en lien avec la nature nord-côtière. Andréane est lauréate du Prix Félix-Leclerc de poésie 2019 et a deux fois été finaliste au Prix des libraires et deux fois au Prix Émile-Nelligan (en cours). De pair avec sa pratique d’écriture, elle poursuit des recherches doctorales en création littéraire à l’Université Laval. Elle demeure principalement à Montréal et présentera prochainement Tu choisiras les montagnes au Salon International de l’Édition et du Livre à Rabat (Maroc) et au Marché de la poésie de Paris.
Commentaire du jury
Avec Tu choisiras les montagnes, Andréane Frenette-Vallières fait se rencontrer la fibre nerveuse de la prose poétique et le fruit du poème. Au cœur du présent, elle prend soin de ses vies, de ses langues et de ses voix. Elle dit ne pas connaître la modération et s’installe librement partout où elle peut « cultiver de l’inédit » et « choisir de risquer ». Il y a dans la poésie d’Andréane Frenette-Vallières une étrange force d’ancrage où les mots, la forêt et le grand large forment un lieu de silence alors que ses « mains sont pourtant remplies de poèmes ».
Les textes de Tu choisiras les montages sont aussi des poèmes penseurs, des poèmes coureurs de réflexion et de direction là où « nous n’avons pas le droit de laisser aller » ce qui arrive aux femmes. C’est ainsi que s’accomplit une partie du parcours avant de revenir au Nord, à l’espace, à la forêt, à la maison bleue et à leur présent de verbe être « chaque fois qu’une pensée se construit ». Ermite, promeneuse et femme réfléchie, Andréane Frenette-Vallières fait partie des poètes qui vont droit au cœur du vertige d’extrême présence.