ÉLOGE DU·DE LA LAURÉAT·E ALLOCUTION DU·DE LA LAURÉAT·E JURY PRIX OZIAS-LEDUC 1998 COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Rober Racine
Lauréat du prix Ozias-Leduc 1998
Rober Racine est né à Montréal en 1956. Il a fait des études en littérature, puis en cinéma et en histoire de l’art à l’Université de Montréal. Bien qu’il compose ses premières œuvres musicales dès 1973, il se fait connaître en 1978 pour ses interprétations des Vexations d’Érik Satie, une partition pour piano de cent cinquante-deux notes répétées huit cent quarante fois et dont l’exécution exige près de dix-huit heures sans interruption. Si la musique a été son » premier roman « , sa pratique artistique s’est aussi portée vers les arts visuels et la littérature. Depuis 1979, ses œuvres visuelles ont été présentées dans plusieurs musées au Canada, aux États-Unis, en Europe – notamment à la Biennale de Venise en 1990 et à la Documenta IX de Kassel en Allemagne en 1992, en Australie et au Japon. Ayant pour thème principal la littérature et plus spécifiquement l’écriture comme matériau visuel et sonore, l’œuvre de Rober Racine fait du littéral une donnée littéraire : Escalier Salammbô, un hommage à Gustave Flaubert, Le terrain du dictionnaire A/Z (Collection du Musée d’art contemporain de Montréal), Les 2130 Pages-Miroirs, Le parc de la langue française.
Les 2130 Pages-Miroirs (1980-1995), une œuvre charnière de l’artiste, constitue un gigantesque travail de codification des milliers de pages du dictionnaire Le Petit Robert. Chacune des pages a été travaillée selon un code très précis conduit par la double passion de l’artiste pour la littérature et la musique. Chaque entrée a été découpée pour laisser transparaître un miroir substituant l’observateur au mot. Dans les définitions restantes, chaque syllabe correspondant à une note de musique (comme le » si » de silence) est soulignée pour ensuite se traduire en partition musicale ; certaines lettres fermées ont été remplies à la dorure. Conçu en 1979, Le parc de la langue française demeure un projet à réaliser bien que des versions préliminaires aient été présentées au Québec, en Allemagne et en France. Ce projet pharaonique consiste à créer « … un parc public, installé en permanence, où les mots de la langue française et leurs définitions, imprimés sur des petits panneaux, seraient plantés au sol, paysagés en harmonie avec la nature avoisinante, répartis en quartiers de mots, de A à Z. Faire du dictionnaire un lieu géographique où la lecture de chacun devient un parcours. Un espace où se trouvent paysagés tous les mots de la langue française ».
L’œuvre visuelle de Rober Racine est représentée dans plusieurs collections publiques, dont celle du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Fonds National d’Art Contemporain (Paris), du Fonds Régional d’Art Contemporain de Haute-Normandie, de la Fondation Érik Satie, de la ville de Montréal, ainsi que dans plusieurs collections privées au Canada, aux États-Unis et en France. L’artiste a aussi réalisé en 1995 une œuvre publique : L’île des commencements, installée en permanence dans le Port de Montréal.
En tant que musicien, Rober Racine a composé des partitions et des œuvres sonores pour plusieurs créations de chorégraphes québécois dont Marie Chouinard, Édouard Lock, Jo Lechay, Ginette Laurin, Paul-André Fortier et Françoise Sullivan. Il a par ailleurs écrit et réalisé de nombreuses émissions radiophoniques pour la Société Radio-Canada : Les bâtisseurs de dictionnaires (1985) ; Écrire vers la musique, Des voix pour Glenn Gould et Les livres sur la musique de Vladimir Jankélévitch (1986) ; La Muséologie est-elle un luxe, oui ou non ? (1990) ; Signatures sonores (1994). Il fut également commentateur de l’actualité culturelle à Présence de l’art de 1987 à 1989.
Rober Racine est aussi écrivain et essayiste. Il a publié deux romans et un récit : Le mal de Vienne en 1992, mis en nomination pour le Prix du Gouverneur général la même année, Là-bas, tout près en 1997 et Le Dictionnaire, récits suivis de La Musique des mots (Disque et partitions) en 1998, tous trois parus aux éditions de l’Hexagone. Ses textes ont été publiés dans plusieurs revues dont Parachute, Circuit, Topo Magazine, Vanguard, Études françaises. On retrouve aussi de ses textes dans de nombreux catalogues d’exposition dont l’ouvrage récent The Art of Betty Goodwin publié par Douglas & McIntyre et le Musée des beaux-arts de l’Ontario en 1998.
Finalement, depuis 1973 Rober Racine a donné plusieurs concerts de ses œuvres et il a réalisé de nombreuses performances aussi bien au Canada qu’à l’étranger. En 1984, il a réalisé une œuvre vidéo intitulée, J’aurais dit Glenn Gould produite par la Western Front Society à Vancouver.
Tel que l’écrivait Stéphane Aquin dans la livraison de la revue Voir en décembre 1996 : » Rober Racine n’est pas l’artiste le plus extraordinaire, le plus inclassable des dix dernières années. Il est tout ça, mais plutôt des trente ou quarante dernières années. «