Laurence Veilleux
Lauréat du prix Émile-Nelligan
Laurence Veilleux,
Elle des chambres,
Poètes de brousse
2019
Née à Saint-Benjamin en 1994, Laurence Veilleux est l’auteure de Chasse aux corneilles (Poètes de brousse, 2014) et de Amélia (Poètes de brousse, 2016; finaliste au prix Émile-Nelligan 2016 et lauréat du prix Félix-Leclerc 2017). Elle a collaboré à différents collectifs dont Femmes rapaillées (Mémoire d’encrier, 2016) et Ce qui existe entre nous (Éditions du passage, 2018) ainsi qu’à différentes revues de création littéraire. Elle est libraire à Rimouski. Son troisième livre de poésie, Elle des chambres, est paru chez Poètes de brousse en 2019.
Commentaire du jury, par Gérald Gaudet, président.
Elle des chambres, c’est elle qui n’a pas une chambre à soi, parce que la chambre n’est pas un refuge, mais un lieu d’abus, le théâtre d’histoires terribles. Aussi, la souffrance est-elle un fil qui tient bon et qui ne peut se casser chez Laurence Veilleux. La poète élargit son regard en prenant sur elle la douleur de nombreuses filles et femmes, la violence qu’on leur a faite, sans jamais tomber dans la victimisation ou l’accusation frontale. Elle déplie les images, en laissant parler cette violence, ce qu’elle a fait au corps.
De construction très solide, Elle des chambres offre d’abord un récit de l’enfance, puis s’approche de quelques révélations violentes avant de revenir à l’enfance en abordant un quotidien fragile. Altéré, éthéré.
L’écriture de ce recueil en est une de lucidité. Dès les premières pages, une question essentielle est d’ailleurs posée : « Quelqu’un viendra-t-il me mettre au monde? ». Question qui trouvera une forme de réponse quand l’autrice utilisera à la fin les mots d’une autre poète, Geneviève Amyot, pour nommer ce qu’elle ressent. Elle redit alors avec elle qu’il s’agissait en fait dans Elle des chambres de « donner chair à ma mémoire » afin de se la réapproprier.
Finaliste du prix Émile Nelligan
Frédéric Dumont, Je suis célèbre dans le noir,
Les éditions de l’Écrou
2019
Marie-Andrée Gill, Chauffer le dehors,
La Peuplade
2019
Frédéric Dumont a publié trois livres de poèmes : Événements miteux (2009) aux Éditions de Ta Mère, ainsi que Volière (2012) et Je suis suis célèbre dans le noir (2019) à l’Écrou.
Commentaire du jury
Compte-rendu minutieux du quotidien, monologue intérieur distrait par mille détails et des observations sensibles sur le monde, ce recueil de Frédéric Dumont ouvre sur une réflexion qui trouve sa respiration la plus juste en des voies de contournement qui la mène ailleurs. Vers l’autre. Surtout vers l’autre. Le poète dialogue en effet avec ses contemporains. Avec humour et empathie.
Frédéric Dumont ose sa propre fragilité en abordant des sujets délicats comme la fatigue, l’ennui, la honte, la peur, la maladie et la santé mentale. Il parle de ses amours laborieuses, de son difficile rapport avec les autres, de sa chambre d’hôpital le plus souvent. Il écrit : « Il y a dans la vie un seul chemin et il mène en psychiatrie ». Il écrit encore : « Et si je me défenestre à chaque poème c’est que je crois en l’importance de prendre l’air ».
Frédéric Dumont saisit l’écriture à bras le corps, il en renouvelle la nécessité. « Il y avait des muscles à développer dans la fatigue », nous dit-il.
Commentaire du jury
Au plus près du chagrin amoureux, dans la perte de l’autre qu’on aperçoit partout, la poète entraîne le lecteur dans sa quête de remèdes à la douleur. Ainsi, repasser par les lieux et les moments où les amoureux se sont arrêtés permet à la poète d’apaiser momentanément la peine ressentie. Chaque détail la ramène toutefois à un dur constat : « Ça agrandit la vérité que je sais déjà : je ne fais plus partie du décor. […] Tout ça me pince, cette douleur d’être exclue des petites choses, de ne pas m’inscrire dans l’ordinaire de chaque jour ».
On trouve dans ce recueil de Marie-Andrée Gill une grande rigueur tranquille. Des images proprement foudroyantes convoquent des éléments inusités de la culture populaire, et flirtent volontairement avec le cliché sans jamais y tomber.
Fabriquées des éléments du quotidien, les images se tiennent au plus près d’un réel concret et palpable. Ainsi, « le dehors comme seule réponse » prend toute sa force dans le chant que devient le poème. La terre, « notre terre » (Nitassinan) se transforme en un lieu de douleur amoureuse. Elle dit la faille, la tension entre des cultures, des références, des appartenances. « Quelque chose garde en moi sa langue allumée », écrit Marie-Andrée Gill, d’autant plus que, pour elle, « l’amour c’est une forêt vierge / pis une coupe à blanc / dans la même phrase ».
Chauffer le dehors, c’est se tenir à la frontière entre le dedans et le territoire, parce que c’est au-dedans qu’il peut faire chaud.
JURY 2019 COMMUNIQUÉ DE PRESSE